“J’ai pris une claque” - Ce que le spectacle de Grégori Miege m’a appris sur la grossophobie (et mon métier)
Je reviens du seul-en-scène de Grégori Miege, Comme tu me vois, récits d’une grossophobie ordinaire, et je me suis prise une claque. Une claque presque physique tant ce que j’ai entendu m’a remuée, en tant que femme, en tant qu’ancienne obèse… et en tant que diététicienne.
Pendant plus d’une heure, Grégori Miege raconte la violence quotidienne que vivent les personnes en surpoids ou obèses : les moqueries, les jugements, les humiliations ordinaires, les rendez-vous médicaux qui tournent au supplice. Il crie cette honte ancrée, cette douleur profonde que la société entretient et banalise. Et moi, dans le noir de la salle, j’ai eu honte. Honte de ma profession.
Quand il a commencé à parler des consultations diététiques, j’ai espéré qu’il viserait uniquement les pratiques dépassées, les collègues qui prescrivent encore des régimes comme on distribue des ordonnances. Mais non. Très vite, il a mis des mots justes et puissants sur ce que peut vivre une personne même face à une approche dite "comportementaliste". Ce moment où l’on vous demande de mettre des mots sur une envie de manger, de différencier la faim d’un besoin de se remplir. Ce moment où l’on se sent jugé.e pour ne pas réussir à "se contrôler".
C’est là que j’ai pris ma claque.
Parce que oui, même la diététique comportementale peut faire des dégâts. Même avec toute la bienveillance du monde, si elle est mal amenée, mal comprise ou mal vécue, elle peut renforcer le sentiment d’échec, de solitude, de honte. Et si une personne abîmée par des années de régime tombe sur un.e diététicien.ne comportementaliste et vit une nouvelle expérience douloureuse, que lui reste-t-il ? À qui faire confiance ?
Je n’ai pas de solution miracle. Et peut-être que c’est ça, le cœur du problème. Peut-être qu’il est temps d’avoir l’honnêteté de le dire : il n’existe pas, à ce jour, de solution simple, durable, universelle pour sortir de l’obésité. On tâtonne. On fait de notre mieux avec les outils que l’on a. Mais on est souvent démunis. Et si on pouvait au moins garantir une chose : une écoute sincère, un regard sans jugement, une alliance respectueuse ?
J’ose croire que prendre rendez-vous avec moi, c’est au minimum faire le choix d’une professionnelle qui ne prescrit pas de régimes. Et que, dans le pire des cas, même si le poids ne bouge pas, mes patient.e.s repartent avec ce que tant d’autres n’ont jamais reçu : le sentiment d’avoir été vraiment écouté.e.s.
Je fais ce métier pour aider à guérir des âmes, pas que des corps...
Merci Grégori Miege, pour cette claque salutaire.
COMME TU ME VOIS, Récits d’une grossophobie ordinaire -Texte, dramaturgie et mise en scène Arnaud Alessandrin, Grégori Miège, Marielle Toulze - Interprétation Grégori Miège